vendredi 17 juin 2011

L'histoire de Jugurtha en rimes


Yugurten

Ô, roi barbare qui dans une geôle, trépassa !
Enfant de l’amour, son oncle, le roi Micipsa,
Comme un de ses fils, dans son palais l’adopta,
Et par chef des armées, il le désigna.
Bon et habile guerrier, Rome l’adora,
Dès la guerre de Numance où il se distingua,
Aussi, pour les victoires qu’il lui emporta ;
Sans le découvrir, au vieu roi, elle le conseilla,
Croyant, ainsi, faire de lui un roi qu’elle se ralliera.
Les louanges du neveu, Scipion Emilien les chanta,
Dans une missive de félicitations qu’en Afrique, il envoya :
« Dans la guerre de Numance, ton Jugurtha,
« Sans avarice, a montré les vertus qu’il a ;
« Je suis assuré que de la joie, tu en auras ;
« Ses mérites me l’ont rendu cher, il te le dira ;
« Je ferai sa noblesse au sein des Romains et du Sénat ;
« Je lui ferai avoir les hommages de son oncle Micipsa,
« Car, en lui, je vois un digne héritier de Masinissa. »
Le jour vint où, trop âgé, l’oncle décéda,
Pour la succession à son trône, il laissa :
Deux fils que la vie du palais éduqua,
En rois marionnettes, amis de Rome et du Sénat ;
Et puis, un neveu que l’Histoire désigna :
Yugurten ou, pour les civilisés, Jugurtha .

En tenant les rênes, une voix, du silence, l’interpella,
Tenant du passé le message de Masinissa :
L’Afrique aux Africains ou tu ne régneras pas ;
Mais l’union, à la vassalité de ses cousins, s’opposa ;
Ils rejetèrent l’alliance et d’eux, il se débarrassa.
L’un, Hiempsal 1er, il le tua ;
À Adherbal, ce fut une bataille rangée qu’il livra ;
Vaincu, le cousin, à Rome se réfugia ;
Et comme ses aïeuls, sur la Numidie, seul, il régna.
Mais Rome accourut et la couronne la lui refusa ;
Et pour son audace, jamais elle ne lui pardonna ;
Puis, très vite, par rebelle, elle le désigna,
Pour dissimuler la force que chez elle, il secoua,
Ou son autorité qu’il ne respecta pas.
Et l’union acquise, Aguellid, on le nomma ;
Sur la noblesse romaine, il se renseigna ;
Allait-il éviter ce qui, à son grand-père, arriva,
Aux côtés de Scipion l’Africain, contre Hannibal, à Zama ?
Ainsi, à Rome, sa fortune, de l’aristocratie, acheta,
Les plus influents membres qui appartenaient au Sénat ;
Alors qu’en Afrique, sa personnalité, vers les cimes, le guida ;
Suivant chacun ses moyens, son peuple, il le sensibilisa ;
Pour unir tous ceux de son sang comme un seul soldat ;
Pour que la terre de Tamazgha ne soit plus la province Africa ;
Ainsi chacun, à sa manière, se distingua au combat ;
Et le royaume de ses ancêtres unifié, il s’apprêta,
À édifier la Numidie en un glorieux Etat ;
Mais l’autorité romaine, à son œuvre, s’opposa ;
D’un concurrent, c’était clair qu’elle n’en voulait pas ;
Déclaré ennemi public pour le prince qu’il assassina ;
Il fut appelé à se défendre des crimes dont on l’accusa ;
Sans armée, ni escorte, pour Rome, il embarqua ;
Et par la vénalité de certains sénateurs, il triompha ;
Son or fut le soldat dont jamais il ne se passa ;
Plein de fierté, d’assurance, son audace, à Rome, osa,
D’en chatouiller l’honneur par sa fortune et l’assassinat,
D’un prince de son sang, enfui et que la Cité hébergea ;
En pleine Métropole, ville à vendre, il se moqua,
Si elle trouvait un acheteur, dans l’abîme, elle périra.

En Numidie, la tête bien haute, son peuple le retrouva,
Car de sa puissance, de son intelligence, jamais il ne douta ;
L’espoir, de l’inertie, renaissait dans Tamazgha ;
Fleurissante sous les lueurs de la liberté, était Cirta ;
Et pour participer à la guerre, nul n’hésita,
Dès que les troupes romaines arrivèrent en Africa ;
Derrière leur Aguellid, le rebelle Jugurtha,
Qui par son savoir-faire, l’ennemi le déstabilisa ;
Ce fut en son sein qu’il fit ses premiers pas ;
Et puis l’Afrique, terre natale, jamais il ne l’oublia ;
Elle fut ce sol bien connu, où jamais il ne trébucha,
Sans la trahison, toutes les batailles que Rome lui livra,
Aucune ne fut perdue, toutes, il les remporta ;
Mais la perfidie de certains des siens, contre son triomphe joua,
Un rôle fatidique que l’Histoire n’oubliera pas ;
Par la division, Rome, à régner, guère ne tarda ;
Le grand roi eu, le peuple, sous le joug, retomba ;
Mais le goût de la liberté, jamais ne lui échappa,
Sous les carcans que la défaite de son roi lui imposa.

Ô, roi barbare, Amazigh n’a pas su défendre ta race !
Ton nom est mâché, ton œuvre est brisée par les civilisés ;
Pauvre toi ! Indigne de l’aïeul dont tu avais suivi la trace ;
Qui te légua fortune, terre, peuple et responsabilité,
En oubliant d’éloigner le Romain aux appétits voraces,
Et l’expansion impériale qui t’avait déshérité.

Ton histoire, ton message, même si nous le connaissons,
Son sens, à beaucoup de tes descendants,
Échappe dans un regard dirigé vers l’Orient.
Que fut Cirta, qu’est-elle devenue maintenant ?
Une ville qui, sous les ruines, piétine son nom ;
Si tu revenais à nous, tu en repartiras en soupirant ;
Malade de ce qu’est devenue ta Numidie d’antan.

Tu étais le beau, le nerveux, le téméraire ;
Un homme qui fut pourtant de ton sang, de ta chair,
Dont tu avais pris la fille pour partenaire,
Te donna le coup de grâce assassinant,
Et au romain Sylla, offrit les carcans,
Le joug que, sur le cou, tu allais transportant,
Jusqu’à Rome, ville à vendre ;
Son nom, Buxus, devint opprobre ;
Le tien demeura, Yugurten, homme de l’ordre.
Buxus, le vendu, en laissant mourir dans la pénombre,
La voix du sang qu’il avait omis d’entendre ;
De la raison qui essayait, en vain, de répondre,
Pour que la fraternité, sur l’intérêt, ne vienne se fondre ;
Une geôle de Rome te transforma en cendres ;

L’Afrique fera de l’Histoire, ton mausolée ;
Les mémoires te transmettront à l’éternité ;
À tes côtés, vivra confiante l’amazighité.

Lounis Sonia, 2003.

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