samedi 20 août 2011

Pourpre Lune, par André Chenet









POURPRE LUNE
ou l’analyse des illusions
 


Pourpre lune, les poètes
tirent de tes puits
des sonorités héraldiques
des gammes veloutées
comme la bouche des fougères
ils recomposent avec leurs veines
et le silence
les cieux aménagés
de mots surchargés

Pourpre lune aux dents douces
tirée par les chevaux de la nuit
les fluides chevaux de la nuit
qui font hennir l’écume de la mer
font bleuir les visages des équinoxes
tes allaitements d’opaline
mûrissent les rondeurs de la mort
les douleurs des femmes jamais apaisées
tu allumes des feux froids à leur front
et brises la pointe de cristal de leurs seins
aux constellations tu sacrifies tes éclipses

Pourpre lune qui fait chavirer l’espoir
avec ses colliers de salpêtre
ses urnes tâchées de sang violet
ses mains qui creusent l’espace et le temps
les poètes n’ignorent-ils pas tes miroirs
où circulent les givres du silence
ils feraient n’importe quoi
pour te retenir au zénith
pour que le jour ne t’engloutisse
ils en perdraient la tête
si tu n’avais ce triste sourire
ce mélancolique sourire
comme une fontaine blafarde
sur une place tenue secrète
de Grenade à l’époque du jasmin

Pourpre lune tu peuples d’amertume
les rivages de l’Euphrate
tes escapades sur les falaises d’acier
raclent des violons électromagnétiques
qui clignotent maladivement
le long des avenues de Manhattan ou de Shanghai

Lune pourpre tu épuises tes halos
sur les aurores et glaciers des pôles
de tes longs doigts savonneux
tu pétris l’argile d’un rêve sans sommeil
tu es vision où s’éteignent les clameurs

Pourpre lune à l’encontre des reflets
qui épuisent les chercheurs d’or du souvenir
attelle tes logarithmes sacrés
aux brumes féeriques des vallées
afin que, pour une fois, se dresse
cette montagne cerclée de sagesse
vers laquelle des cortèges de pavots
s’en vont épouser la pure paresse
qui meut et tient en équilibre les mondes
Pourpre lune hublot ravagé
par les ogives blondes des comètes.


André Chenet



1 commentaire:

  1. Ce poème écrit d'un seul jet comportait cette note:

    Montanay (Lyon)
    Le 20 juillet 2003 _ 7h du matin.

    La veille au soir, en laissant loin derrière moi la plaine d’Avignon, j’ai vu monter tout d’un coup au-dessus de l’horizon une « tiers lune » en phase descendante d’une rousseur terrible, belle comme une improvisation du « Je est un autre » à l’aplomb des monts.

    Je dois bien reconnaître que j'ai eu un choc en le retrouvant sur votre Baz'Art... J'ai tant de poèmes qui aujourd'hui vivent leur vie sans moi, comme si ils m'avaient rejeté loin derrière eux

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