La caravane s’immobilisa au bord de la frontière.
Je glissai de la fourgonnette.
Debout, le soleil dans le dos, le vent dans les cheveux, la main sur mon cœur, je me dis tout bas mon pays et ma maison, ma grotte et ma peine.
Je glissai de la fourgonnette.
Debout, le soleil dans le dos, le vent dans les cheveux, la main sur mon cœur, je me dis tout bas mon pays et ma maison, ma grotte et ma peine.
Quelque part dans le monde, une autre femme peut-être, debout sur une autre frontière priait pour la dernière fois.
Je laissai tomber mon bras puis je me déchaussai.
De mes pieds couverts des cratères du napalm, mes pieds nus et carbonisés, je foulai avec douceur la terre brûlante de mon pays.
Je fis un pas. puis un autre, puis encore un autre.
Les cailloux me déchiraient la peau.
Les ronces m’égratignaient, j’eus soif, j’eus mal à la tête et m’évanouis.
Les cailloux me déchiraient la peau.
Les ronces m’égratignaient, j’eus soif, j’eus mal à la tête et m’évanouis.
Quand je me réveillai, j’étais allongée au pied de la fourgonnette, le cadavre castré me passait un peu d’eau sur le visage.
Il devait être midi. Je lui demandai de verser un peu d’eau fraîche sur le cercueil métallique. Kouider devait suffoquer.
Il devait être midi. Je lui demandai de verser un peu d’eau fraîche sur le cercueil métallique. Kouider devait suffoquer.
Mon fils tendait l’oreille à la voix du poète, qui le tenait dans ses bras.
Je laissai la caravane gorgée de milliers d’émigrés sur la route de Tébessa et partis avec le poète, le cadavre castré et Rima à la recherche d’un arbre nu et déchiré, mort debout, au pied duquel dormaient ma grotte et mes amis.
Je le vis au bout de ma route, les bras levés vers le ciel.
Face à mon arbre, je cessai de respirer et le regardai avec mes yeux mêlés aux yeux de Kouider.
Je m’approchai de lui et glissai mes lèvres sur son écorce rugueuse.
Il avait survécu à mes amis.
Il était ce quelque chose qui avait poussé dans ma mémoire quand ma grotte mourut, il était l’unique quelque chose qui me parlait encore de mes amis J’y accrochai ma ceinture.
Il était ce quelque chose qui avait poussé dans ma mémoire quand ma grotte mourut, il était l’unique quelque chose qui me parlait encore de mes amis J’y accrochai ma ceinture.
Le sol ne trahissait plus l’existence de ma grotte.
J’arrachai une motte de terre.
Je l’emporterai avec moi à ARRIS.
Je la déposerai dans une jarre et j’y planterai des marguerites.
Yamina Méchakra
La grotte éclatée, Alger 1979
pp 173-174
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