A propos de la
légende de Shim Chong
Shim
Chong est une figure mythique de l'imaginaire coréen.
Marquée
au sceau du tragique, du merveilleux et plus encore du pathétique,
la légende de Shim Chong s'est transmise oralement de génération
en génération, avant de prendre la forme d'un pansori, puis
d'un roman, joyau du patrimoine littéraire coréen au même titre
que Chunhyang, qu'il égale en célébrité et dont il partage
un certain nombre de traits hérités du confucianisme (la piété
filiale) et du bouddhisme (la loi du karma).
Dans
son village de Hwangju, Shim Chong a la poisse: son père est aveugle
et sa mère meurt peu après sa naissance. L'enfance est misérable,
faite de mendicité et de dévotion aux devoirs filiaux. Un jour, un
moine, qui vient de sauver le père de la noyade, lui apprend que,
s'il fait don de trois cents sacs de riz à son monastère, il
recouvrera la vue. Pour financer l'achat, Chong, qui a seize ans,
accepte de se vendre à des marchands de Nankin en quête d'une
vierge qu'ils sacrifieront aux démons des vagues et des tempêtes
afin de s'assurer une traversée paisible. Après moult prières et
lamentations, Chong est jetée à la mer. Émus, les dieux du Ciel
ordonnent aux dieux des quatre océans d'accueillir honorablement une
jeune fille aussi dévouée. Au royaume de la mer, où elle est reçue
fastueusement par les Immortels et les généraux sous-marins, elle
retrouve sa mère qui lui annonce qu'elle sera un jour réunie avec
son père. Elle est en effet rendue à la vie dans une fleur de
lotus, que les matelots chinois recueillent à leur retour et qu'ils
offrent, pour le consoler, à l'empereur, alors affligé par la mort
de sa femme. Chong le console tant et si bien qu'il l'épouse. Elle
lui conte ses malheurs et son espoir de retrouver son père.
L'empereur décide de donner un banquet aux aveugles du royaume. Le
pauvre Shim, plus misérable que jamais, se présente. Chong l'invite
à ouvrir les yeux et le miracle a lieu. Tous les habitants du
village de Hwangju sont désormais exempts de taxes.
De
la légende de Shim Chong, fille vendue, Hwang Sok-yong reprend la
trame pour décrire l'industrie, fort prospère, de la prostitution
en Asie à l'époque pré-moderne. L'héroïne du roman, humiliée
mais fière, est d'abord vendue à un richissime vieillard chinois de
Nankin, puis engagée dans une maison de plaisirs, enlevée par des
trafiquants de chair à Suzhou, exploitée dans des bouges de Formose
; son odyssée la conduit ensuite, avec des fortunes moins sinistres,
à Singapour, où elle est achetée par un sujet britannique, au
Ryũkyũ (Okinawa) puis à Satsuma (Kagoshima) et Nagasaki dans le
Kyũshũ. Le lecteur coréen identifie sans mal les références à
la légende prétexte grâce à un certain nombre d'indices précis
qu'il reconnaît dans les incidents, mais aussi dans les noms propres
(Le Palais de la Mer, Lenhwa, etc.).
À
ce témoignage sur la réalité sociale de l'esclavage sexuel dans
lequel sont tenues bien des femmes, Hwang Sok-yong donne un ancrage
historique précis, celui du milieu et de la fin du XIXe
siècle, où les pays d'Extrême-Orient se trouvent mesurés aux
défis des puissances occidentales. On reconnaîtra, en arrière-plan
des aventures vécues par Chong et ses semblables, tel épisode de la
guerre de l'Opium, tel autre de la révolte des Taiping, l'emprise
progressive du Japon sur les îles Ryũkyũ, l'intrusion des «
bateaux noirs » du commodore Perry, ou encore la guerre
sino-japonaise à la fin du siècle.
Avec
Shim Chong, le grand romancier coréen nous livre un roman de
mœurs très précisément documenté et un tout aussi solide roman
historique.
Postface tirée du roman (pp.549-551)
Shim Chong, fille à vendre de
HWANG Sok-Yong
Ce roman-là, je l'ai lu. Malgré ses 500 pages, voire plus, il a réussi à me captiver tout au long de ses chapitres. Je ne puis dire qu'une seule chose : il mérite d'être lu. (Sonia LOUNIS)
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