jeudi 28 janvier 2016

Mort ou exil


Fissure dans mur - Sonia LOUNIS © Tous droits réservés

Mort ou exil



Ouvrez bien l’oreille
                                   Mais
                                               Gardez bien l’œil fermé
La folie des Hommes est mer houleuse
Le frère charge le frère
Et la colère des dieux refuse les élus
Cette nuit
Encore
            On annonçait la mort d’un des miens
            Un énième frère qui arrose de son sang
            La folie d'un autre énième frère
Non !
Vous ne rêvez point
C’est bien la faucheuse
                                   Dans son habit de cérémonie
Toutes les portes sont marquées
Elle est passée hier
Repassera tantôt
Aujourd’hui n’est sûrement pas répit
Mais une grasse matinée

Pour réveiller
Les larmes des mères dans la tourmente
Compatir dans la peur
Au veuvage des épouses

Un temps pour
                        S’entamer les soliloques des dépossédés
Le voisin disparu
Le cousin disparu
Le frère disparu
Le père disparu
Le fœtus dans le ventre de sa mère disparu
La vie est un crime aveugle
La mort un salut prémédité
Heureux qui
                        Sans le savoir
                                               Est conduit de vie à trépas
                        Ne comptant les jours
                                               Rêve du lendemain
Le chemin regarde vers l’exil
Marche longue et périlleuse
Brûle sous les pieds, le bitume
Les sentiers s’enroulant autour des cous
Étouffant en l’exilé l’espoir du départ
Chez les miens
                        Un membre est coupé
Comme se coupe
                        Le doigt d’une main
Main toujours fonctionnelle
Handicapée, mais fonctionnelle
Les miens demeurent miens
Le membre en moins
Le sens de la vie à jamais changé
Je ne les ai pas vus pleurer
La douleur leur a refusé cette félicité
Le membre perdu est acte vain
Face sombre du rideau
Perte qui n’a point racheté notre liberté

Que l’on m’enterre face contre terre !
Le temps oubliera mon nom
Mon combat
Ma perte

Mon passage
                        Comme un sillon sur la dune
S’effacera à la brise du matin
                                               Passant sur les pas des caravanes
                     
Sonia LOUNIS
28 janvier 2016

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