dimanche 7 août 2011

Une brise qui m'ébranle et me tue, par Sonia Lounis



Une brise qui m’ébranle et me tue !

Je ne sais pas vivre comme tout le monde. Là où les gens sont heureux pèsent sur moi tous les chagrins de l’existence ; là où les gens sont malheureux, moi, je m’exalte et m’enivre de joies intenses ; là où les jeunes rêvent, moi, je ne vois que des vieux égarés par leurs infinies espérances ; là où l’amour enchante, moi, je ne sens que menaces et exhortations à fuir au plus vite ; là où le danger s’installe à son confort, moi, je prends gîte et m’évertue à cultiver des passions infinies…

Je peux rester une éternité ou même plus à citer mes paradoxes, mais dès que tu croiras me connaître, tu te rendras compte que tu ignores toute la réalité qui m’anime. Car les paradoxes, mon cher ami, n’ont qu’une fonction : celle de rendre compte de personnalités manquées, refoulées et fluctuantes.

Est-ce ta passion momentanée pour la psychologie qui pousse tes élans vers moi ? Tu te rendras un jour à l’évidence de ton erreur ; ton choix t’associe un de mes paradoxes : celui d’aimer les aventures dangereuses, de prendre le risque de tomber sous une brise.

Je nous vois, toi et moi, comme deux papillons solitaires, égarés dans la nuit et surpris par la fin des saisons heureuses. L’été nous brûle et le noir nous répugne. Nous ne pouvons voyager de jour, faute de l’intense présence du soleil et nous ne pouvons voyager de nuit, faute de la totale absence du clair de lune. Attirés, de loin, par une lumière timide, nous nous précipitons à sa rencontre. Nous peinons, nous nous débattons, nous luttons avec une hargne, une résignation et une endurance jamais connues de nous deux auparavant. Nous avions une seule image dans nos rétines éblouies : le point de lumière au loin.

Nos ailes arrivent à peine à se remuer, mais, convoitant toujours le point de lueurs scintillantes, nous continuons de peiner, de suer et notre acharnement nous livre à toutes sortes de fantasmes interdits.

Arrivés à destination, nous découvrons l’enjeu du destin : le point de lumière était derrière nous et nous n’avons, en réalité, suivi que son reflet dans un miroir. Nous nous résignions à nous consoler mutuellement et à lever une coupe à la mémoire de ce combat commun et à ce semblant de victoire partagée.


Sonia Lounis 
mai 2003

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