samedi 14 janvier 2012

Extrait du roman "Shim Chong, fille à vendre" de HWANG Sok-Yong




A propos de la légende de Shim Chong





Shim Chong est une figure mythique de l'imaginaire coréen.


Marquée au sceau du tragique, du merveilleux et plus encore du pathétique, la légende de Shim Chong s'est transmise oralement de génération en génération, avant de prendre la forme d'un pansori, puis d'un roman, joyau du patrimoine littéraire coréen au même titre que Chunhyang, qu'il égale en célébrité et dont il partage un certain nombre de traits hérités du confucianisme (la piété filiale) et du bouddhisme (la loi du karma).




Dans son village de Hwangju, Shim Chong a la poisse: son père est aveugle et sa mère meurt peu après sa naissance. L'enfance est misérable, faite de mendicité et de dévotion aux devoirs filiaux. Un jour, un moine, qui vient de sauver le père de la noyade, lui apprend que, s'il fait don de trois cents sacs de riz à son monastère, il recouvrera la vue. Pour financer l'achat, Chong, qui a seize ans, accepte de se vendre à des marchands de Nankin en quête d'une vierge qu'ils sacrifieront aux démons des vagues et des tempêtes afin de s'assurer une traversée paisible. Après moult prières et lamentations, Chong est jetée à la mer. Émus, les dieux du Ciel ordonnent aux dieux des quatre océans d'accueillir honorablement une jeune fille aussi dévouée. Au royaume de la mer, où elle est reçue fastueusement par les Immortels et les généraux sous-marins, elle retrouve sa mère qui lui annonce qu'elle sera un jour réunie avec son père. Elle est en effet rendue à la vie dans une fleur de lotus, que les matelots chinois recueillent à leur retour et qu'ils offrent, pour le consoler, à l'empereur, alors affligé par la mort de sa femme. Chong le console tant et si bien qu'il l'épouse. Elle lui conte ses malheurs et son espoir de retrouver son père. L'empereur décide de donner un banquet aux aveugles du royaume. Le pauvre Shim, plus misérable que jamais, se présente. Chong l'invite à ouvrir les yeux et le miracle a lieu. Tous les habitants du village de Hwangju sont désormais exempts de taxes.


De la légende de Shim Chong, fille vendue, Hwang Sok-yong reprend la trame pour décrire l'industrie, fort prospère, de la prostitution en Asie à l'époque pré-moderne. L'héroïne du roman, humiliée mais fière, est d'abord vendue à un richissime vieillard chinois de Nankin, puis engagée dans une maison de plaisirs, enlevée par des trafiquants de chair à Suzhou, exploitée dans des bouges de Formose ; son odyssée la conduit ensuite, avec des fortunes moins sinistres, à Singapour, où elle est achetée par un sujet britannique, au Ryũkyũ (Okinawa) puis à Satsuma (Kagoshima) et Nagasaki dans le Kyũshũ. Le lecteur coréen identifie sans mal les références à la légende prétexte grâce à un certain nombre d'indices précis qu'il reconnaît dans les incidents, mais aussi dans les noms propres (Le Palais de la Mer, Lenhwa, etc.).


À ce témoignage sur la réalité sociale de l'esclavage sexuel dans lequel sont tenues bien des femmes, Hwang Sok-yong donne un ancrage historique précis, celui du milieu et de la fin du XIXe siècle, où les pays d'Extrême-Orient se trouvent mesurés aux défis des puissances occidentales. On reconnaîtra, en arrière-plan des aventures vécues par Chong et ses semblables, tel épisode de la guerre de l'Opium, tel autre de la révolte des Taiping, l'emprise progressive du Japon sur les îles Ryũkyũ, l'intrusion des « bateaux noirs » du commodore Perry, ou encore la guerre sino-japonaise à la fin du siècle.


Avec Shim Chong, le grand romancier coréen nous livre un roman de mœurs très précisément documenté et un tout aussi solide roman historique.


Postface tirée du roman (pp.549-551)
Shim Chong, fille à vendre de
HWANG Sok-Yong








Ce roman-là, je l'ai lu. Malgré ses 500 pages, voire plus, il a réussi à me captiver tout au long de ses chapitres. Je ne puis dire qu'une seule chose : il mérite d'être lu. (Sonia LOUNIS)

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